BANGKOK (BIT en ligne) - Dans les faubourgs de Bangkok, une jeune employée de maison originaire du Myanmar enlève sa casquette pour montrer les cicatrices sur sa tête, là où les chirurgiens thaïlandais ont fini par lui insérer une plaque métallique.
C’était la seule façon de sauver la jeune fille après qu’elle eut été sauvagement battue par son employeur local – une Thaïlandaise entre deux âges. L’employeuse a ensuite tiré le corps de la jeune fille inconsciente dans la rue, hélé un taxi et donné l’équivalent de 300 dollars au chauffeur pour qu’il «l’emmène aussi loin que possible».
Au lieu de cela, il l’a emmenée à l’hôpital où elle est restée plusieurs mois.
A plus d’un millier de kilomètres de là, une jeune vietnamienne raconte une histoire similaire. Elle se retourne et relève son haut pour découvrir des dizaines de cicatrices sur son dos. «La (famille) me fouettait avec du fil électrique – presque tous les jours».
Malheureusement, ce type d’abus n’est pas rare.
Dans de nombreux pays, le travail domestique est considéré comme informel et échappe fréquemment à la protection juridique de la main-d’œuvre. Pour le dire simplement, les travailleurs domestiques, en majorité des femmes, sont souvent à la merci de leurs employeurs. Si leurs employeurs les abusent physiquement ou sexuellement, opèrent des retenues sur leur salaire ou les humilient, de nombreuses femmes ont l’impression, à tort ou à raison, qu’elles n’ont d’autre issue que de s’enfuir.
Mais beaucoup de ces femmes viennent de l’étranger et travaillent sans visa en bonne et due forme. Si elles se font prendre par les autorités, elles pourraient être immédiatement expulsées ou être confrontées à de nouveaux abus.
Cette année, lors de la Conférence internationale du Travail à Genève, les délégués des gouvernements, des organisations d’employeurs et de travailleurs ont participé à une discussion sur les questions de genre dans le contexte de l’Agenda pour le travail décent de l’OIT. Ce fut la première discussion formelle dédiée aux questions d’égalité hommes-femmes par la Conférence en un quart de siècle.
Le rapport à la Conférence Note 1 relève qu’au cours des années qui se sont écoulées depuis la dernière discussion générale «les problèmes ont persisté voire se sont intensifiés pour les plus vulnérables», y compris pour les femmes qui travaillent comme employées de maison. La récession économique actuelle et la crise de l’emploi qui balaient le monde risquent d’aggraver ces fragilités. Parmi les 58 conclusions de la discussion, se trouve la reconnaissance du fait que « dans certaines situations, le travail domestique rémunéré reste l’une des rares options qui s’offrent aux femmes, notamment immigrées».
Mais le travail domestique ne doit pas rester éternellement une profession dangereuse. Les participants à la CIT ont noté qu’en formalisant la nature «informelle» du travail (y compris le travail domestique), la sécurité des femmes qui exercent ces professions pourrait être améliorée.
Un délégué du gouvernement indonésien, rapporteur de la discussion, Mme Myra Hanartani, a relevé qu’en matière de promotion de l’égalité hommes-femmes les pays ont des besoins différents. «Nous devons renforcer notre secteur informel pour qu’il devienne partie intégrante de notre économie formelle et offre une meilleure protection sociale».
En effet, l’idée est de veiller à ce qu’un travail effectué à l’ombre des regards ne soit pas pour autant exempt des droits internationalement reconnus de la personne humaine et du travail, notamment en matière d’égalité, ni exclusif de la recherche du travail décent.
Alors qu’il va falloir engager un travail technique considérable pour modifier les stratégies relatives aux secteurs formel et informel, les attitudes de l’opinion à l’égard des travailleurs domestiques changent progressivement grâce aux actions de plaidoyer et d’auto-assistance.
Dans des centaines de milliers de foyers en Asie, des travailleurs domestiques rémunérés balaient le sol, lavent la vaisselle et gardent les enfants de leurs employeurs au quotidien.
«Ma première priorité est de garder les enfants», explique Radha, une Indienne proche de la quarantaine. Radha est arrivée à New Delhi il y a 12 ans de son village situé à l’extrême nord-est du pays. Son employeur la traite bien, la payant au-delà du salaire minimum, et l’encourage à prendre part aux programmes de formation qualifiante parrainés par le gouvernement local et financés par le Bureau régional de l’OIT pour l’Asie et le Pacifique.
Les encouragements, la formation et le soutien qu’elle a reçus contrastent fortement avec l’histoire des deux autres jeunes femmes. Radha exprime la dignité et l’estime de soi. «Certaines personnes disent que le travail domestique n’est pas un véritable travail. Je ne crois pas que ce soit vrai. C’est un travail important, au moins pour nous.»
Dans les mois à venir, dans plusieurs pays à travers l’Asie du Sud et du Sud-Est, les travailleurs domestiques vont recevoir des manuels financés par l’OIT sur leurs droits et les moyens de se protéger – et comment se faire des relations – quelle que soit leur situation en termes de migration ou de visa. Cette campagne de sensibilisation et de mobilisation va faire remonter les enseignements tirés de la campagne d’information menée l’année dernière en Thaïlande, intitulée Travel Smart – Work Smart (Voyager malin – Travailler malin).
«Ce livret m’a aidée à comprendre comment nous pouvions nous entraider, a déclaré Phun, employée de maison birmane qui travaille aujourd’hui à Bangkok. Je connais maintenant la durée légale du travail. J’étais contrainte de travailler beaucoup trop d’heures auparavant».
Afin de contribuer à structurer le secteur informel de l’emploi dans la mesure où il concerne le travail domestique et d’offrir une meilleure protection aux travailleurs domestiques en général, la Conférence internationale du Travail de l’année prochaine va entamer un processus d’élaboration d’un instrument juridique (par exemple une convention) sur le travail domestique.
La reconnaissance internationale du travail domestique a pris bien du retard, selon Radha. Alors qu’elle prépare le repas de son employeur, elle remarque: «Chacun pense que son travail a de la valeur et, pour nous, c’est le travail domestique qui a de l’importance».
Note 1 - L’égalité entre hommes et femmes au cœur du travail décent, Rapport VI, Conférence internationale du Travail, 98e session, 2009, Bureau international du Travail, Genève.
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